Un jeune homme... traçons son portrait d'un seul trait de plume (...)
Visage long et brun ; la pommette des joues saillante, signe d’astuce ; les muscles maxillaires énormément développés, indice infaillible auquel on reconnaît le Gascon, même sans béret, et notre jeune homme portait un béret orné d’une espèce de plume ; l’œil ouvert et intelligent ; le nez crochu mais finement dessiné ; trop grand pour un adolescent, trop petit pour un homme fait ; et qu’un œil peu exercé eut pris pour un fermier en voyage, sans sa longue épée qui, pendue à un baudrier de peau, battait les mollets de son propriétaire quand il était à pied, et le poil hérissé de sa monture quand il était à cheval.
Alexandre Dumas
Les Trois Mousquetaires
Du roman illustré au cinéma : portraits de d'Artagnan
Comme Dumas le dit lui-même, il a tracé le portrait de d’Artagnan « d’un seul trait de plume ».
Une description précise sur quelques détails - pommettes, mâchoire, nez - mais qui laisse le champ libre à l’imagination pour tout assemblage de ces détails.
Il y ajoute un aperçu de sa personnalité - astucieux, vif, intelligent, et… Gascon.
C’est peu, mais juste assez pour que le lecteur puisse facilement superposer ces traits de caractère et cette ébauche physique afin d’obtenir sa propre représentation du héros.
C’est ainsi qu’il doit exister des millions de d’Artagnan, de par le monde, dans la tête de millions de gens.
Pourtant, dès la première édition, des illustrateurs on tenté de nous fournir une image en regard du texte. A quelques exceptions près, on y trouve un héros assez beau garçon et apte à séduire un large public. Il est évidemment jeune, plein de vie, plutôt élégant et sympathique.
Les seules différences notables de son physique sont liés aux évolutions du style de l’illustration. Toutes les collections pour la jeunesse, à partir des années 1950, ont adapté le roman de Dumas et ont produit leur version dessinée de d’Artagnan qui, tout en se fondant dans les critères esthétiques de leur époque, collait de près à la description – assez vague – qu’en a faite Dumas.
C'est avec l'adaptation cinématographique que la représentation physique de d'Artagnan devient plus complexe et diversifiée.
D’une part, chaque metteur en scène s’est approprié l’histoire, qu’il aménage toujours un peu...
... d'autre part, il projette sa propre vision du héros qui nous apparaît alors avec des physiques forts différents.
De Douglas Fairbanks à Michael York, en passant par Belmondo ou Gene Kelly, sans oublier le curieux chanteur d’opérette, Aimé Simon-Gérard, le cinéma nous brouille les pistes et nous offre des d’Artagnan parfois très éloignés de la description du roman d’origine.
Les suites possibles du roman et nouveaux portraits de d'Artagnan
Il était tentant de combler les zones d’ombre de la vie de d’Artagnan. Quelle enfance avait-il eu ? Quelle descendance ? Quelles rencontres pouvait-il avoir faites avec d’autres personnes célèbres de son temps ? Quelles amours illicites que Dumas auraient tues ? Autant de pistes qui donnent aux cinéastes des idées de scénarios à rebondissements.
Et ainsi d’Artagnan croise Cyrano ou le masque de fer, a une fille ou un garçon, a des envies assassines de vengeance ou des amours cachées avec Anne d’Autriche.
Dans ce registre, le physique de d’Artagnan évolue encore.
Il est très jeune et bouillonnant de rancune comme Justin Chambers ou vieux papa placide avec Philippe Noiret ; posé, sérieux, quadragénaire distingué avec Gabriel Byrne ; séducteur baroudeur avec Florent Pagny ; charmant beau garçon avec Christophe Malavoy ou encore primesautier et canaille avec Jean-Pierre Cassel.
D'Artagnan-souris ou D'Artagnan-chien ?
Le premier est américain mais la représentation en souris ne peut être qu’un honneur puisqu’il s’agit de Mickey, le héros le plus populaire, le plus rusé et le plus intelligent de Walt Disney.
Quant au chien – le Dogtanian- de la version télévisée, il incarne la fidélité, la confiance, la raison et l’esprit d’entreprise. Les dessins animés ont surtout choisi, comme représentation graphique, l’animal fétiche le mieux apte à rendre à d’Artagnan son image de héros sympathique auprès d’un jeune public.
En version manga, d’Artagnan reste un jeune homme proche des illustrations livresques.
En fait, quelque soit le dessin ou l’acteur, chacun garde sa propre représentation de d’Artagnan.
C’est certainement ce qu’avait compris Philippe Candeloro en se produisant en d’Artagnan aux Jeux Olympiques de Nagano en 1998.
Même au Japon, on a tous une image de d’Artagnan au fond de nous qui sommeille…
Peu importe son physique si les valeurs qu'il incarne restent inchangées ...