La Première Compagnie des Mousquetaires du Roi

Cette première compagnie est créée par Louis XIII en 1622.

Il s’agit de sa garde personnelle, formée par son père Henri IV, qui avait alors le nom de « Carabins » car elle portait des carabines. Louis XIII remplace ces dernières par des mousquets et la compagnie prend alors le nom de « Mousquetaires ».

mousquetaireL’événement a lieu juste après la reddition de la ville de Montpellier, alors que les troupes marchaient sur Avignon.

Puységur le relate ainsi dans ses Mémoires : 
« Sa Majesté demanda à M. d’Epernon six de ses gardes pour mettre ladite Compagnie. Elle voulut, et je puis même dire qu’elle me força à prendre une Casaque de Mousquetaire. La difficulté que j’en faisais n’était pas que je ne susse fort bien que ce m’était un grand honneur d’être dans la Compagnie ; mais j’appréhendais fort que cela ne m’éloignât de la charge d’Enseigne qui m’avait été promise à Montpellier en 1622. Le Roi m’assura que cela ne me reculerait pas, et qu’il me mettait dans les Mousquetaires parce qu’il savait bien que j’étais un vaillant homme et qui avait fait de belles actions : qu’il était résolu de ne mettre que des Gentilshommes dans cette Compagnie qu’il prendrait dans ses Gardes, comme aussi quelques soldats de fortune ; mais qu’il ne voulait pas en prendre qui n’eussent servi et qui ne se fussent trouvés aux occasions…»     
    
La Compagnie des Carabins cesse donc d’exister au profit de cette nouvelle Compagnie, dite des Mousquetaires, d’une composition toute différente où le Roi n’admet que des sujets d’une extraction noble ou des personnes d’un mérite connu.

En créant, la Compagnie des Mousquetaires, Louis XIII veut former un corps d’élite de combattants qui lui sont entièrement dévoués. 

Les mousquets replacent donc les carabines et la casaque bleue devient l’uniforme. Une hiérarchie stricte régit la compagnie selon des grades. 

Ainsi, il ne faut pas confondre l’appellation de « Mousquetaires » en général – glorieuse - avec le grade de simple mousquetaire qui est celui de l’homme de rang qui porte et charge son mousquet ; ce qui peut parfois entraîner la confusion. 

Pour ce dernier, Michel Pétard a fait un travail complet de présentation dans un article intitulé Le Mousquetaire de Rocroi :

Document
Le Mousquetaire de Rocroi

Rappel historique

Lorsqu’en Henri IV monta sur le trône, il hérita de son prédécesseur Henri III, assassiné par Jacques Clément à Saint Cloud en 1589, d’une Maison militaire assez restreinte, les compagnies des gardes du corps, des gardes de la Porte et de la Prévôté, la compagnie des Cent-Suisses, hallebardiers géants, et le fort régiment des gardes françaises, créés en 1563. 

Les deux-cents gentilshommes à bec de corbin (sorte de hallebarde), infidèles à leur serment, s’étaient presque tous ralliés à la Ligue. Henri IV, cependant, les reconstituera lorsqu’il aura entièrement reconquis son royaume (1594) mais ne les réunira que lors des grandes cérémonies dynastiques.

A sa Maison militaire, il va adjoindre en 1593, la compagnie des chevau-légers (les carabins) qu’il avait constitué quand il était Roi de Navarre, et créera pour son fils aîné, les « gendarmes du dauphin ». 

Louis XIII devenu roi par l’assassinat de son père en 1610, va très vite faire entrer ses gendarmes dans sa Maison militaire (1611). 

Roi guerrier, aimant les soldats, les « montres » (les revues), les parades et les expéditions, il va mettre sa Garde sur une grand pied, fondant le régiment des gardes suisses, avec les fidèles vétérans helvétiques de son père (1616) puis, en 1622, la compagnie des 100 mousquetaires, anciens « carabins ».

E. Bourassin et E. Leliepvre.

Les grades dans la Compagnie des Mousquetaires

d’après Alfred Jensen

Les officiers

En plus des avantages dus à leurs grades, tous les officiers sont exemptés du paiement des taxes royales. En effet, par leur présence au champ de bataille, on considérait quels avaient acquitté " l'impôt du sang ".

• Le Capitaine Lieutenant

Il commande la compagnie. Il peut proposer volontairement sa compagnie pour une campagne ou assigner des missions personnelles à certains de ses hommes, etc. Les Charges d'Officiers des mousquetaires et des gardes étaient autrefois vénales, celle de Capitaine Lieutenant étaient vendues plus de 200 000 livres et les autres à proportion. Louis XIV favorisa ensuite la promotion au mérite.

• Le Sous-Lieutenant
Il est l'assistant direct du Capitaine Lieutenant de la Compagnie.

• Cornette & Enseigne
C'est le plus bas des grades d'officiers. Un de ses rôles est de représenter et de rallier les hommes de la compagnie au cours de la bataille.

Les hommes de rang

• Le Maréchal des Logis
Le grade de Maréchal des Logis est l'échelon supérieur des hommes du rang.

• Les Brigadiers
Grade intermédiaire dans les hommes de rang.

• Les Gendarmes, Chevaux-Légers et Mousquetaires.
Il s'agit du rang le plus bas des compagnies.

La compagnie

compagnie des mousquetaires à cheval« La compagnie combat à pied et à cheval, les hommes s’habillent à leur guise, mais ils portent, par-dessus leurs vêtements – et comme signe distinctif – la casaque bleue, fort courte, puisqu’elle s’arrête sur la croupe du cheval ; c’est une sorte de pèlerine, à larges manches ouvertes, sur laquelle ressortent quatre croix blanches : une de chaque côté, une devant, une derrière. Ces taches bleues à croix blanches, en face d’eux, terrorisaient leurs adversaires, tant était grande la science au combat et la bravoure des mousquetaires ! »
Clément Bosson

« La première compagnie resta quelque temps sans avoir d'autre habit d'ordonnance, mais lorsque le roi voulait passer une revue avec éclat, il faisait connaître à l'ordre la manière dont il désirait que ses mousquetaires fussent habillés. Une fois, ayant ordonné que la compagnie prit une tenue de buffle, les plus riches mousquetaires mirent une quantité de diamants sur leurs manches; une autre fois, il leur prescrivit de se vêtir en noir. » 
Jean de Jaurgain

On entrait très jeune chez les mousquetaires, c’est-à-dire aux alentours de seize ou dix-sept ans et une bonne recommandation était souhaitable ainsi que - comme l’on fait remarquer de nombreux chroniqueurs - un lignage gascon ou béarnais qui ouvrait plus facilement les portes… Cette tradition remontait déjà aux Carabins qu’Henri IV avait recrutés parmi ses fidèles sujets de Navarre. Elle se maintient pendant pratiquement tout le XVIIe siècle, dans la Compagnie des Mousquetaires.

« (…) les Gascons demeurent en force parmi les troupes. A côté des petits gentilshommes, l'armée royale assure la promotion de vaillants roturiers. Gassion, Maréchal de France et Tréville, tous deux fils de marchands d'Oloron, en sont l'illustration. Les apprentis guerriers gascons trouvent, dans le régiment des Gardes françaises notamment, une authentique école militaire dont ils ont l'usage presque exclusif. Au début au moins, sur dix compagnies, huit sont commandées par des capitaines gascons. De même, au fur et à mesure que se mettent en place les régiments, comme unité qui compte dans l'armée, ceux-ci portent, le nom de leur titulaire, et le plus souvent celui d'une maison gasconne. Sous le règne de Louis XIII, la formation de la Compagnie des Mousquetaires du roi constitue, également, un nouveau pôle d'attraction pour les jeunes gentilshommes désireux d'apprendre, dans cette troupe d'élite, à la fois le métier de soldat et les devoirs de l'homme de cour.
Ainsi, on peut légitimement soutenir qu'il existe une sorte de mafia gasconne qui confisque largement les gouvernements ou les lieutenances dans les provinces, les commandements militaires comme les charges de cour ou les offices royaux. »
Véronique Larcade

Rien d’étonnant donc que Dumas, en narrant l’histoire des Mousquetaires, dote son héros gascon, d’Artagnan, d’une recommandation paternelle pour Monsieur de Tréville, également gascon et Capitaine des Mousquetaires.
Il ne s’agit d’ailleurs que de rendre justice à ces cadets de Gascogne qui se sont toujours montrés fidèles et vaillants sur les champs de bataille.

Lors de la création de la première compagnie, M. de Montalet en est nommé Capitaine commandant. Il meurt empoisonné - rapporte M. de Puységur dans ses Mémoires - et a pour successeur un autre M. de Montalet, son neveu, précédemment cornette de la compagnie.

En 1627, c’est lui qui conduit les Mousquetaires au secours de l’île de Ré, première grande bataille que livre la nouvelle compagnie.

Suit ensuite le siège de La Rochelle.

« Les Anglais ayant envoyé en 1627 une flotte considérable aux Calvinistes de France pour les aider à faire la conquête de l’île de Ré qu’ils avaient entreprise, Louis XIII se rendit avec son armée dans la Province d’Aunis pour s’opposer à ce dessein, et en même temps châtier les rebelles. Il fit passer dans cette île la Compagnie des Mousquetaires le 8 novembre pour être employée à sa défense.
Le succès des armes de ce Prince en cette occasion l’encouragea à faire le siège de La Rochelle, alors le boulevard du calvinisme. Cette ville fit une longue et vigoureuse résistance et sollicita des secours de tous côtés. Elle en obtint surtout de la part des Anglais dont la flotte parut le 16 mai 1628 à la vue de celle de France. Louis XIII en étant informé, envoya sur le champ ses mousquetaires au Maréchal de Bassompierre, avec ordre de les faire monter sur les vaisseaux, ce qui fut exécuté. Les Anglais s’approchèrent mais après avoir tiré toutes leurs bordées, ils s’en retournèrent et ne reparurent plus. »
Le Thueux

Le Cardinal de Richelieu est alors impressionné par la fougue et la vaillance des mousquetaires et décide de les engager dans toutes les campagnes où une petite troupe d’élite peut agir avec efficacité.

« Richelieu put vérifier l’excellence de son choix dès l’année suivante. Le roi d’Espagne et le duc de Savoie revendiquaient le marquisat de Montferrat et avaient entrepris le siège de Casal. Tout à la joie de la capture de la Rochelle, le Conseil du Roi sut convaincre Louis XIII de ne pas compromettre son prestige en abandonnant le Prince Charles de Gonzague, son allié. Le 15 janvier 1629, entouré de ses Gardes et suivi des Mousquetaires, il quitte Paris pour la Savoie. Le Cardinal et un état major imposant sont du voyage. » 
Arnaud Jacomet.

« (Le Roi)  envoya le 6 mars demander au Duc de Savoie le passage pour ses troupes ; ce qui lui ayant été refusé, on résolut de forcer le Pas-de-Suze que le Duc de Savoie et le Prince de Piémont défendaient en personne. Les dispositions faites, on fit entrer dans la gorge, pour commencer l’attaque, sept compagnies des gardes françaises, six des Gardes suisses, plusieurs autres de différents régiments et les Mousquetaires à cheval du Roi. Il fut décidé que chaque corps jetterait en avant cinquante Enfants-perdus (les tirailleurs) et Louis XIII ordonna à ses Mousquetaires de marcher avec les Enfants-perdus des Gardes. Le Roi dit à cette occasion que ce qui lui plaisait toujours dans ses Mousquetaires, c’était cette gaîté célèbre avec laquelle ils se présentaient à tout ce qu’on leur disait d’attaquer. 

Gaîté des mousquetaires

Ils passèrent sous le feu des ennemis logés sur les montagnes et essuyèrent celui du canon du fort de Talasse. Arrivés au pied du premier retranchement, ils fondent, l’épée à la main, sur les Piémontais, les culbutent et les mènent si vertement qu’ils emportent, avec la même rapidité, les deux autres barricades, y entrant pêle-mêle avec les fuyards. Ils montèrent sans s’arrêter jusqu’au haut de la montagne, à la vue de Suze, d’où on leur tira force canonnades de la Citadelle. »
Le Thueux

C’est une des occasions où Monsieur de Tréville se fait remarquer pour sa bravoure et sa pugnacité, en poursuivant le Duc de Savoie qui fuyait, ce qui lui vaudra une lieutenance dans la Compagnie des Mousquetaires.

Au final, la victoire est totale. Le 11 mars, Suze et son château capitulent et Louis XIII est particulièrement fier de ses mousquetaires.

« Le prestige de la Compagnie dans l’armée et auprès de la jeune noblesse monta considérablement. On commença à penser qu’il valait mieux risquer de mourir au « lit d’honneur », selon la formule du temps, sous la casaque de mousquetaire plutôt que chez les Gardes. Cet état d’esprit nouveau apparut en particulier chez les Gascons, race maigre et sobre dont le métier des armes était la religion exclusive. » 
Arnaud Jacomet

« En 1632, le Duc d’Angoulême fit attaquer par les Mousquetaires deux régiments de troupes lorraines qui gardaient le bourg de Rouvroi. Ils les chassèrent, leur tuèrent deux cent hommes et firent beaucoup de prisonniers. Cette action fut conduite avant tant d’ordre de la part du Comte de Troisville et soutenue avec tant de valeur par les Mousquetaires, que Louis XIII résolut, dès cet instant, de s’en faire Capitaine. » 
Le Thueux

De fait, M. de Montalant, le Capitaine commandant de la compagnie des Mousquetaires démissionne en 1634 et Louis XIII décide de s’en faire lui-même le Capitaine. 

Certains diront qu’il avait suggéré cette démission à Montalant qu’il récompense largement en lui donnant le Gouvernement du Duché et de la ville de Bar, car il souhaite prendre la tête de sa compagnie des Mousquetaires afin d’en assurer davantage encore la position. 

Il en nomme Tréville Lieutenant et dès lors, le commandant de la compagnie ne porte plus que le titre de « Capitaine lieutenant ».

« Les Mousquetaires ne furent guère étonnés d’apprendre que le Roi se mettait à leur tête : sa Majesté les avait convaincus de longue date de l’intérêt qu’elle prenait à leur vie quotidienne, en ne manquant aucune revue et en se faisant présenter les nouvelles recrues. » 
Arnaud Jacomet

Cette première compagnie a son hôtel au 15, rue du Bac. Les mousquetaires font partie de la Maison du Roi et non de la Maison militaire. Ils ne font donc, à la cour, que le service du roi; lorsqu'ils l'accompagnent, ils sont à cheval, deux à deux, devant toutes les autres compagnies de gardes.

« Les mousquetaires à cheval de la garde du Roy ne font garde que quand le Roy sort; alors ils marchent à cheval devant tous les autres gardes, deux à deux. Ils ont tous la casaque bleue avec la croix d'argent; leur capitaine est monsieur de Tréville, que le défunt Roy a avancé à cette charge à cause de son grand courage. Ils sont au nombre de cent trente et ont quarante sols par jour. » 
(Estat de la France en 1648 - 1649 -  F. Danjou. Archives. curieuses de l'histoire de France, 2e série, t. VI, p.432)

Lorsqu’ils sont à la guerre, les Mousquetaires logent aux quartiers du Roi et combattent avec le Roi, en garde rapprochée.

La plupart des jeunes rêvent alors de faire partie des Mousquetaires tant leur prestige est grand, mais leur nombre étant limité, beaucoup sont obligés de se rabattre sur les autres corps de l’armée.

Il paraît que de 1636 à 1646, les Mousquetaires n’ont pas participé, de manière systématique, à toutes les campagnes qu’il s’agisse de la Lorraine, de la Picardie ou de la Flandre car le Roi qui les aimait tant, ne souhaitait pas qu’ils soient sacrifiés… 

Peu de pertes sont donc enregistrées et le nombre des recrues est infime.

« Heureusement, le Roi et Troisvilles veillèrent à ce que soient largement ouvertes aux autres les compagnies de Cadets et l’éphémère Académie Royale pour la Noblesse créée par Richelieu pour les concurrencer. » 
Arnaud Jacomet

Mousquetaires - gravure