Reconstitution de la Compagnie des Mousquetaires par Louis XIV

L’absence de ce corps d’élite se fit malheureusement ressentir pendant le terrible épisode de la Fronde.

« La superbe et vaillante compagnie des « mousquetaires gris » manqua à Turenne dans le combat sanglant qu’il livra au Prince de Condé sous les murs de Paris. On a vu que gendarmes et chevau-légers tentèrent (avec succès) d’y suppléer en chargeant à fond les frondeurs le 2 juillet 1652. Ils y perdirent beaucoup de monde et nombre d’officiers de valeur. »
E. Bourassin et E. Leliepvre

Le Roi, Louis XIV, est couronné en 1654. Dès 1656, il cherche à augmenter sa Garde et Mazarin profite de l’occasion pour suggérer le rétablissement des Mousquetaires. En 1657, Louis XIV décide donc officiellement de rétablir la Compagnie des Mousquetaires.

« Si on prend l’État général des officiers de la Maison du Roi pour l’année 1657, on voit que les mousquetaires à cheval de la garde ordinaire du roi sont composés de 150 hommes de guerre, ayant pour capitaine le roi, pour lieutenant-capitaine M. de Mancini, avec en outre un sous-lieutenant, un cornette, deux maréchaux des logis, un fourrier, un trompette et un maréchal ferrant. Comme la première Compagnie, ils ne sont obligés d’escorter le roi que quand le roi sort ; alors, ils marchent à cheval, deux à deux, devant tous les autres gardes. La solde des mousquetaires est de 35 sous par jour. Quant à leurs privilèges, exemptions et prérogatives, ils sont les mêmes que ceux dont jouissent les autres officiers domestiques et commensaux du roi. » 
Charles Samaran

Des vétérans reprennent leur place dans cette Compagnie reconstituée et il semblerait que Mazarin l’ait encouragé pour pallier l’inexpérience de son neveu.

Le vieux système de logement chez l’habitant qui avait été d’usage est alors supprimé et on attribue aux mousquetaires leur ancien quartier – le faubourg Saint-Germain - dans lequel des logements leur sont proposés, chacun composé d’une chambre à deux lits (le mousquetaire et son valet) et pourvu d’une écurie pour deux chevaux.

« Dès lors, le peuple de Paris et les étrangers se firent fête d’aller voir parader ou manœuvrer, à Vincennes, à Neuilly, ces hommes d’élite, vêtus magnifiquement de casaques d’azur aux croix d’argent. On choisissait les jours où le roi les commandait lui-même. » 
Charles Samaran

Voici que l’on pouvait lire dans le Journal d'un voyage à Paris en 1657-1658, (publié par M. Faugère en 1862 ) à propos de la belle tenue des mousquetaires :
"Certainement, ce sont des hommes bien choisis et qui sont couverts magnifiquement, car chacun a une casaque bleue avec de grandes croix d'argent à flammes d'or qui finissent en fleur de lis. Sur toute la casaque il y a un grand galon d'argent. On n'y reçoit personne qu'il ne soit gentilhomme et qu'il soit brave à outrance. M. Mancini (le duc de Nevers) en est capitaine. Ils ont deux tambours et deux fifres… ". 

L'auteur de ce journal ajoute plus loin, à la date du 20 novembre 1657: 
"Nous apprîmes de M. Lemonon que le Roy avait commandé à ses Mousquetaires de se pourvoir de chevaux gris, voulant que la compagnie fut montée, et qu'ils eussent la queue longue."

Mais les mousquetaires ne se contentent pas de parader et cette même année 1657 ils suivent le roi à Sedan pour assister au siège de Stenay formé par le marquis de Fabert. Le Duc de Nevers est fort heureusement secondé par un vieux soldat, le sous-lieutenant Isaac de Baas, capable de suppléer au peu de compétence du neveu de Mazarin et le grade d’enseigne est occupé par un compagnon de jeu du roi, Joseph-Henri, fils de Monsieur de Tréville.

Après s’être distingués à la prise du fort, les mousquetaires continuent les combats et vont acquérir leur glorieuse réputation, comme le relate Puységur, avec forces détails :

« Cette même année 1657, la guerre continuant avec l’Espagne, le Maréchal de Turenne conquit sur cette Couronne plusieurs places maritimes de Flandre et entre autres la ville de Mardik, qui se rendit le 3 octobre. Afin de s’assurer la conservation de cette place qui était absolument liée à ses projets pour la campagne suivante, ce Général y mit une nombreuse garnison, jointe à un Corps considérable de troupes anglaises. Mais Louis XIV, craignant que les Espagnols ne fissent toutes sortes d’efforts pour remettre cette ville sous leur domination, joignit aux précautions qu’on avait prises pour la sûreté un détachement de ses Mousquetaires qu’il y envoya sous la conduite de Monsieur de Nevers.  » 

L’année suivante, le Maréchal de Turenne, qui avait résolu d’ouvrir la campagne par le siège de Dunkerque, fit investir cette place dans le mois de mai, et y arriva le 25. Alors, la ville de Mardik, n’ayant plus rien à redouter de la part des Espagnols, le détachement des Mousquetaires en sortit et rejoignit le Corps qui était auprès du Roi, aux environs de Calais. Sa Majesté, voulant qu’ils ne perdissent aucune occasion d’acquérir de la gloire, en confit  un détachement à Lauroïde, l’un des Maréchaux des Logis, avec ordre de se rendre au camp du Maréchal de Turenne.

« Le Prince de Condé qui, par mécontentement contre le Cardinal Mazarin, s’était retiré chez les Espagnols, commandait alors leur armée sous Dom Juan d’Autriche. Il résolut de secourir Dunkerque et vint camper le 13 juin dans les dunes à trois quart de lieue des lignes de M. de Turenne. Ce Général, ayant été reconnaître la position des ennemis, prit la résolution de leur livrer bataille le lendemain. Le détachement des Mousquetaires arriva un moment avant que l’armée française se mit en marche. Lauroïde, qui les commandait, fit mettre pied à terre à sa troupe, et la rangea en bataille à la première ligne. Un officier vint lui dire que ce poste ne lui était pas dû. « Je vais en prendre un, répondit Lauroïde, que vous ne m’envierez pas. »
Dans l’instant même il marche, dépasse les Régiments de Bretagne, de Montgommery et les Dragons du Roi, postés sur la droite des dunes près des Gardes Françaises, et se porte en avant de la première ligne. Le Prince de Condé remarqua cette hardiesse et en fut étonné. La position de ce détachement des Mousquetaires contribua beaucoup au gain de la bataille. 
Le Régiment de Guitaut, Cavalerie, s’étant avancé pour charger les Gardes Françaises, les Mousquetaires font feu si à-propos qu’ils le mettent en désordre. Il est chargé à son tour par le Régiment Royal et celui de Grammont qui achèvent de le rompre et de le disperser.
Le Prince de Condé, qui voit ce commencement de déroute,marche à la tête des nouveaux escadrons et attaque le Régiment Royal et celui de Grammont. Forcés de céder à la supériorité du nombre, ils firent leur retraite sous le feu des Gardes Françaises qui les sauvèrent d’une entière défaite en s’ouvrant pour les laisser passer.
Le feu des Mousquetaires contrariant toujours le Prince de Condé dans son plan d’attaque, il tenta de les déposter et les fit charger vivement, et à plusieurs reprises par des forces supérieures ; mais ils se maintinrent, malgré tous ses efforts, dans le poste qu’ils avaient choisi et ne cessèrent d’y servir utilement jusqu’à la fin de la bataille.
Louis XIV n’a jamais oublié cette action brillante et se plaisait souvent à la raconter. » 
Le Thueux

C’est à cette époque que Charles de Batz de Castelmore, dit d’Artagnan, fait son entrée dans la Compagnie des Mousquetaires en qualité de sous-lieutenant, en remplacement de Baas qui quitte sa charge pour des raisons de santé.

« Lui donnant deux beaux chevaux gris pommelés de son écurie, Mazarin demande à d’Artagnan, pour toute récompense, de porter son neveu à prendre goût au métier des armes. Sur ce point, d’Artagnan se garde bien d’être trop zélé. Nommé lieutenant, il trouve un agrément infini dans le mépris que Mancini semble avoir pour sa charge. Le Roi prend un goût tout particulier pour sa nouvelle compagnie et reçoit très fréquemment d’Artagnan pour lui donner ses ordres.
Seule la considération qu’il a pour l’oncle lui fait supporter la présence du neveu à la tête de la Compagnie. Louis XIV veut en effet avoir une troupe incomparable à son entière disposition. » 
Courtilz de Sandras.

Dans cette nouvelle Compagnie, le Roi choisit désormais chaque Mousquetaire. Le règlement est strict et la discipline impitoyable.

« Le Roi accorde à un Mousquetaire un emploi d’officier ou la possibilité d’acheter une compagnie, voire un régiment, lorsque le rapport du capitaine-lieutenant ne contient que des éloges. Ce fait contribue à entretenir une émulation permanente au sein de la Compagnie. » 
Arnaud Jacomet.