De Fouquet à Lauzun : un geôlier hors du commun

Après avoir été l’homme des missions de grands chemins, d’Artagnan se voir confier, par le Roi, un rôle auquel il ne s’attendait pas, celui de geôlier.

Contrairement à son ami Besmaux, gouverneur de la Bastille et geôlier par profession, d’Artagnan doit accomplir une tâche délicate autant qu’ingrate en devenant le gardien d’un des seigneurs les plus puissants du Royaume, un certain Monsieur Fouquet.

Cet emploi - temporaire- va révéler une autre facette de sa personnalité…

Nicolas Fouquet
Nicolas Fouquet

« L’affaire Fouquet » commence officiellement le 15 août 1661 avec la phrase d’adieu que le Roi lance, telle une provocation, à son Surintendant : « Monsieur Fouquet, vous aurez de mes nouvelles… »

Louis XIV prend ainsi congé de son hôte qui vient de le divertir avec luxe et raffinement en son château de Vaux-le-Vicomte.

Le jeune roi a perdu Mazarin depuis peu. Sa succession a mis en concurrence deux hommes très opposés : Colbert et Fouquet qui, chacun à sa manière cherche à le séduire.

Malheureusement pour Fouquet, cette invitation trop fastueuse aura l’effet inverse de celui escompté et le précipitera vers sa chute.

Qui allait donc prendre en main les rênes du pouvoir ? Fouquet ou Colbert ? On sait qu’une âpre lutte ne tarda pas à s’engager entre les deux rivaux. Habilement, le besogneux Colbert avait su se faire écouter du roi et le rendre jaloux de Fouquet. Il profitait de la moindre occasion pour faire miroiter au jeune Louis XIV, qui vivait encore au milieu d’une cour pauvre, embryonnaire, n’atteignant ni le faste ni raffinement de celle des Valois, toute l’odieuse puissance et l’insolente richesse de son grand argentier. Fouquet crut pouvoir se concilier les bonnes grâces de son souverain en donnant en son domaine de Vaux une splendide fête en son honneur.
Jean-Christian Petitfils

Vaux-le-Vicomte
Vaux-le-Vicomte

(…) Fouquet tenait en son château de Vaux une cour dont l’éclat éclipsait celui de la cour royale. Colbert en profita pour le perdre définitivement dans l’esprit du roi. Concussionnaire, prévaricateur… les accusations se multipliaient contre le surintendant. Persuadé de la malhonnêteté de son ministre, Louis XIV avait décidé de l’éliminer. Aveuglé par sa propre puissance et en dépit des avertissements de ses amis, le surintendant continuait à agir comme l’homme le plus puissant du royaume. La fameuse fête du 17 août 1661 au château de Vaux ne fit qu’aggraver son cas aux yeux du roi.
Odile Bordaz

Louis XIV, excédé par l’attitude de Fouquet, prend finalement la décision de l’éliminer.

Pour pouvoir l’arrêter, il doit agir avec prudence et subtilité. Il est peu expérimenté face au Surintendant qui compte beaucoup de relations. 

Le fait de choisir d’Artagnan pour s’acquitter de cette délicate mission prouve l’immense confiance que le monarque lui accorde et la grande responsabilité qu’il lui fait endosser.

A la fin de l’année 1661, l’arrestation du surintendant (…) était décidée. Colbert, dans le silence, en préparait l’exécution, pour laquelle on songeait à profiter du voyage du roi à Nantes. Qui arrêterait Fouquet ? Monsieur de Gesvres, premier gentilhomme de la Chambre, ou d’Artagnan, commandant effectif des mousquetaires du roi ? Le roi se fixa sur ce dernier, connu pour son énergie, sa promptitude, son esprit de discipline et son dévouement absolu à la personne du roi.
Charles Samaran

On pourrait sans doute s’étonner de tant de précautions pour l’arrestation d’un seul homme (…). Le roi, jeune homme un peu gauche, vient à peine d’assimiler l’enseignement politique du cardinal Mazarin. Il demeure encore très éloigné du modèle de l’écrasante majesté solaire qui fera de son règne le symbole de l’absolutisme absolu. Timide, n’osant se confier, il n’a pas oublié les désordres de la Fronde ni les humiliations de son enfance, les pénibles images de la fuite à Saint-Germain en pleine nuit, la misère et la pauvreté de la Cour (…). Dans ces conditions, arrêter l’homme le plus puissant du royaume capable à tout instant de bloquer ses comptes, d’affamer la Cour et de lever des partisans, ne constituait pas une mince affaire.
Jean-Christian Petitfils

L’arrestation de Fouquet constituait une sorte de coup d’Etat. L’enjeu de l’affaire était considérable, car un échec pouvait déclencher la guerre.(…) Pour mener à bien cette opération à très hauts risques, il s’avérait indispensable de s’assurer du concours efficace d’un homme qui avait fait la preuve de son dévouement et de son courage, un homme « tout à lui ». Son choix se porta sans hésitation sur le sous-lieutenant de ses grands mousquetaires : Charles de Batz Castelmore d’Artagnan.
Odile Bordaz

Le plan de l’arrestation est minutieusement établi et, à quelques détails près, D’Artagnan l’exécute comme prévu…

Il avait été décidé que l’arrestation de Fouquet s’effectuerait au cours d’un voyage du Roi à Nantes. Fin août, le Roi se mit en route avec ses mousquetaires. Colbert, Le Tellier, Fouquet rejoignirent Nantes à leur tour. Or, dès son arrivée, Fouquet tombe malade. Artagnan lui aussi, est pris d’une forte fièvre. Le secret aurait-il transpiré et cette fièvre ne serait-elle qu’une feinte ? se demande le Roi soupçonneux. Il vient voir Artagnan et se rend compte que la fièvre est bien réelle. Force est donc d’attendre.
André Laffargue

La guérison, qui devenait ainsi comme un devoir d’État, ne se fit pas attendre. Le dimanche 4 septembre, vers midi, le roi emmena d’Artagnan dans son cabinet sous prétexte d’examiner le rôle de sa compagnie. En réalité, il lui donna, de vive voix d’abord, par écrit ensuite, l’ordre d’arrêter Fouquet (…). L’ordre du roi était ainsi conçu : « De par le roi S.M. ayant résolu, pour bonnes considérations, de s’assurer de la personne du sieur Fouquet, surintendant de ses finances, a ordonné et ordonne au sieur d’Artagnan, sous-lieutenant de la compagnie des mousquetaires à cheval, d’arrêter ledit Fouquet et de le conduire sous bonne et sûre garde au lieu porté par le mémoire que S.M. lui a fait bailler pour lui servir d’instruction, observant en sa marche que le dit sieur Fouquet n’ait communication avec qui que ce soit de vive voix ni par écrit. Fait à Nantes, le 4 septembre 1661. »
Charles Samaran

Le lendemain, 5 septembre, Conseil du Roi. Fouquet s’y rend grelottant de fièvre. Le Roi prit-il grand intérêt à sa santé, comme les jours précédents ? Toujours est-il que Fouquet, abusé, ne se méfie pas. Il ne se doute pas que son arrestation est prévue à sa sortie. Or, très entouré de solliciteurs à ce moment-là, il se perd dans la foule. S’est-il enfui ? Artagnan a-t-il manqué son affaire ? Moment de désarroi.
André Laffargue

En réalité, il ne s’agit pas d’une fuite ; le surintendant regagne sa maison. Quel soulagement pour d’Artagnan lorsqu’il l’aperçoit enfin, place de la Cathédrale ! Sans attendre, il le fait cerner. La scène de l’arrestation est bien connue : le surintendant descend de sa chaise et salue de son chapeau le sous-lieutenant des mousquetaires qui entend lui parler de toute urgence. Fouquet prend connaissance de la lettre du roi. Un instant son visage se trouble, trahissant la violente émotion qui l’étreint, mais fort maître de lui il se ressaisit et sans protester il suit d’Artagnan qui le conduit non pas au château , mais dans la maison la plus proche.
Odile Bordaz

ArrestationIl n’y resta pas longtemps, d’ailleurs : un carrosse du roi, escorté de quatre officiers subalternes de d’Artagnan, arrivait au grand trot et stationnait devant la porte. Le prisonnier y monta, accompagné du Gascon, tout étonné encore de la facilité de l’opération. Et fouette, cocher ! On fila sans arrêt notable, par Mauves, Oudon et Ingrande, jusqu’à Angers, où Fouquet fut incarcéré dans le vieux château de roi René.
Armand Praviel

Mais sa tâche ne s’arrête pas là et d’Artagnan devient le geôlier de Fouquet, d’Angers à la Bastille en passant par Vincennes…

Dès ce moment et durant plusieurs années Artagnan va être le geôlier de Fouquet, un rôle qu’il détestera mais qu’il accomplira, ô paradoxe, à la satisfaction respective du Roi et du prisonnier. Voilà donc Fouquet enfermé à Angers sous la garde de d’Artagnan : un séjour qui dure trois mois.
André Laffargue

Arrivé au château du roi René, que le gouverneur vient de faire évacuer, d’Artagnan se préoccupe d’installer ses postes de garde et de loger décemment ses pensionnaires, Fouquet, son domestique La Vallée, et un nouveau venu, son médecin Pecquet.
Le château d’Angers, vieille forteresse médiévale avec ses dix tours massives tronquées à la hauteur des mâchicoulis, était à l’époque un bâtiment vétuste, sans confort et, pour ainsi dire, à l’abandon (…) Rien ne le destinait à devenir une prison. Il fallait aviser aux moyens de loger en toute sécurité les prisonniers, de leur donner un ameublement et un train de vie correspondant à leur ancien état…
Jean-Christian Petitfils

De main armé du roi, de Mousquetaire de la raison d’État, d’Artagnan allait peu à peu devenir geôlier du prisonnier le plus célèbre du royaume dont « l’anéantissement imposera le pouvoir absolu du jeune monarque » (François Bluche). Ses lettres à Colbert illustrent les tenants et aboutissants logistiques, financiers, ainsi que tous les détails d’une opération d’État qui ne fait que commencer et doit être menée à bien…
Stéphane Beaumont

Ce nouvel avatar contraste violemment avec l’idée populaire que l’on s’est fait du héros. Cependant, il se tira de son rôle à merveille, car il était sérieux et réfléchi (…)
D’abord, installé au vieux château d’Angers durant tout l’automne, notre capitaine s’inquiéta de rendre cette bâtisse moyenâgeuse moins indigne de son prisonnier.
En homme délicat, en soldat loyal, il ne pouvait admettre que l’on précipitât Fouquet des splendeurs de son existence habituelle dans un cul de basse-fosse.
Armand Praviel

Vincennes
Donjon de Vincennes

Las ! le pauvre d’Artagnan ne se doutait guère que sa carrière de geôlier ne faisait que commencer. A Vincennes, où le surintendant avait été transféré à la fin de l’année 1661, des querelles ne tardèrent pas à éclater entre les deux officiers commis à sa garde (…) Ces incidents amenèrent le roi à faire de nouveau appel à son fidèle mousquetaire, avec mission de se rendre incessamment à Vincennes pour y garder Fouquet et ses domestiques aussi sûrement qu’il l’avait fait à Angers.
Jean-Christian Petitfils

Dès lors, pendant de longs mois, d’Artagnan ne quitta Fouquet pas plus que son ombre ; lui seul entrait dans la chambre du prisonnier qui, pour principale distraction dut se contenter d’entendre la messe dans une petite pièce y attenant.
Charles Samaran

Entre-temps l’instruction du procès suivant son cours. Le procureur de la Chambre de Justice dressait son acte d’accusation tandis que les avocats de Fouquet et ce dernier lui-même fourbissaient les arguments de la défense, sous la surveillance de d’Artagnan qui avait ordre de tout voir et tout entendre.
André Laffargue

Avocats, commissaires, rapporteurs, greffier se succédaient au donjon de Vincennes, tous soigneusement surveillés par d’Artagnan, qui prenait son mal en patience. Il y avait un an et demi qu’il se trouvait avec ses prisonniers au château de Vincennes, lorsqu’il reçut l’ordre du roi de les transférer à la Bastille.
Odile Bordaz

Bastille
La Bastille

Le 20 juin Fouquet est transféré à la Bastille dont Besmaux est gouverneur, mais d’Artagnan reste encore attaché à son prisonnier. Il est même chargé d’assurer sa nourriture, ce qui enlève à Besmaux un client à cent livres par jour…
André Laffargue

L’ex-surintendant avait pour logement une chambre (qui devait servir un peu plus tard à Lauzun et au grand Arnaud), avec une garde-robe dans la tour de la Chapelle et une petite pièce à côté, où quelques oiseaux chantaient dans leur cage. Il avait vue d’un côté sur le fossé, de l’autre sur la Place de la Bastille.
Charles Samaran

…un geôlier scrupuleux et intègre envers le roi, mais prévenant et compatissant envers son prisonnier. Il réussit alors un exercice fort périlleux, celui de se concilier le respect et l’amitié des deux camps qui s’opposent.

D’Artagnan eut plusieurs fois l’occasion de montrer à la fois la générosité et la fermeté de son caractère, dont l’intègre et véridique d’Ormesson (rapporteur du procès) rend témoignage.
Charles Samaran

Chacun pouvait compter sur lui, sur son inébranlable intégrité et sur sa bienveillance. Non seulement les avocats de Fouquet lui ont reconnu « toute l’honnêteté possible », mais Fouquet lui-même a rendu hommage à la délicatesse et à la prévenance de son geôlier.
Odile Bordaz

Plus on avançait, plus l’opinion publique se dessinait en faveur du surintendant : les femmes, qui l’avaient toujours aimé, se déclaraient ouvertement pour lui sous l’impulsion de Mme de Sévigné ; les gens de robe s’inquiétaient des irrégularités flagrantes de la procédure ; les courtisans se ralliaient à sa cause, en haine de Colbert dont ils taxaient d’avarice la sévère économie (…) D’Artagnan, lui, demeurait inattaquable ; il exécutait sa consigne avec une telle délicatesse et une telle humanité que les deux camps s’inclinaient devant lui.
Armand Praviel

Durant trois ans et demi, Artagnan avait dû assumer la garde de Fouquet et se conformer aux consignes les plus rigoureuses. Un rôle éminemment ingrat (…) Or, tout en exécutant sa mission avec une application minutieuse et soutenue, il sut l’humaniser en laissant transparaître sa sympathie et sa compassion, en veillant toujours au mieux-être de son prisonnier, en se permettant quelques attentions outre-passant certainement l’esprit de ses consignes sans en dépasser formellement la lettre.
André Laffargue

De la Bastille au donjon de Pignerol, d’Artagnan est à nouveau sollicité pour escorter son prisonnier après son procès, vers le lieu de sa réclusion perpétuelle.

Le 20 décembre 1664, après cinq jours de délibérations, le procès s’acheva enfin. Fouquet était déclaré coupable d’abus et de malversations. Mais, grâce à l’habileté de sa défense et aux interventions de M. d’Ormesson, qu’Artagnan devait embrasser, Fouquet sauva sa tête et ne fut condamné qu’au bannissement perpétuel et à la confiscation de tous ses biens…
André Laffargue

Louis XIV avait escompté la peine de mort.
« S’il eut été condamné – avait-il déclaré froidement – je l’aurais laissé mourir ! »
Toutefois, déçu par la clémence des juges, il n’osa point envoyer le surintendant à l’échafaud.
Armand Praviel

De toute façon, l’arrêt de la Chambre était implacable. Si Fouquet avait été gardé jusqu’à présent avec un tel luxe de précautions, c’était moins par crainte de le voir s’échapper que parce qu’il connaissait, comme dit l’abbé Boulliau « les secrets du gouvernement ». Il ne pouvait être question d’exiler un homme qui en savait trop sur certains sujets. Aussi, sans doute sur l’instigation de Michel le Tellier, le roi commua-t-il le bannissement prononcé par la Cour de justice en emprisonnement perpétuel. Jamais de mémoire de magistrat on n’avait vu pareil scandale.
Jean-Christian Petitfils

C’est dans la forteresse-prison de Pignerol, proche de Turin, que le roi a décidé d’envoyer Nicolas Fouquet. Il y restera incarcéré pendant quinze ans, jusqu’à sa mort en 1680. Sa famille, exilée à Montluçon, ne sera autorisée à s’installer auprès de lui qu’en 1679.
Odile Bordaz

Alors d’Artagnan eut ordre, à la tête de cent mousquetaires, de conduire le prisonnier au-delà des Alpes, au donjon de Pignerol. A la sortie de la Bastille et sur son parcours, Fouquet se vit accueilli par des acclamations populaires : démonstrations qui n’étaient point faites pour lui valoir, auprès du Roi, un adoucissement de sa peine.
André Laffargue

D’Artagnan s’acquitta de cette dernière partie de sa tâche, à la satisfaction non seulement du roi qui lui fit adresser ses félicitations par le Tellier, mais aussi de Fouquet dont il fut, dit madame de Sévigné, la « seule consolation » pendant ce pénible voyage (…). La reconnaissante Sévigné garda jusqu’à sa mort le souvenir ému de la générosité et de l’humanité du mousquetaire.
Charles Samaran

Ayant remis Fouquet à Saint-Mars, gouverneur de la forteresse, Artagnan pouvait dès lors s’en retourner : sa tâche de geôlier était terminée, du moins pouvait-il le croire.
André Laffargue

Geôlier de Nicolas Fouquet, responsable de la sécurité d’un prisonnier d’État peu ordinaire, d’Artagnan venait de vivre une grande aventure. Il s’était trouvé propulsé bien malgré lui au cœur de l’une des plus importantes affaires du règne de Louis XIV et de l’un des grands procès du siècle. Ayant accompli sa délicate mission à la perfection, il ne recueillait que louanges, estime et admiration de la part de tous, à commencer par le roi lui-même.
Odile Bordaz

Au printemps 1665, d’Artagnan retourne à Paris. Sa carrière militaire reprend, avec tous les honneurs, à la tête de la Compagnie des Mousquetaires jusqu’à ce qu’en 1671 une autre mission délicate le mette à nouveau face à ce rôle, si singulier, de geôlier temporaire !

Lauzun, amoureux de la Grande Mademoiselle et favori du Roi, tombe brusquement en disgrâce pour des raisons restées assez obscures. Il est arrêté et d’Artagnan se retrouve à nouveau en charge du prisonnier…

Il est quelquefois fâcheux d’avoir trop bien réussi dans une mission : de cette constatation paradoxale, Artagnan allait vérifier la justesse.
André Laffargue

Une nouvelle mission au service de Sa Majesté attendait le capitaine-lieutenant de la première compagnie des mousquetaires, au cours de cette année 1671, une mission qui allait lui rappeler des souvenirs… Quand une affaire particulièrement délicate se présentait, le roi n’hésitait pas, il faisait appel à d’Artagnan. Or, voici que Louis XIV venait de faire arrêter Antonin Nompar de Caumont, comte de Lauzun.
Odile Bordaz

La carrière de d’Artagnan – je parle de sa carrière véridique et historique – présente, entre autres particularités curieuses, celle d’avoir été mêlée, en des heures infiniment graves et solennelles, à la vie de deux hommes dont les destinées peuvent compter parmi les plus extraordinaires de leur siècle… je veux dire Nicolas Fouquet et Antonin-Nompar de Caumont (…) Lauzun, précipité du haut de ses espoirs ambitieux, fit une lourde chute, et c’est d’Artagnan qui reçut la délicate mission d’exécuter pour Lauzun comme il l’avait fait pour Fouquet, les ordres sévères du roi.
Charles Samaran

Il est probable qu’on ne connaîtra jamais le fin mot de cette étrange disgrâce qui vaudra à la malheureuse victime dix ans de rude captivité. Ce que l’on peut dire à coup sûr, c’est que Lauzun, d’un caractère brutal et emporté, avait fini par se mettre à dos à peu près toute la Cour et surtout Mme de Montespan et Louvois. Son arrestation et son internement à Pignerol étaient la conséquence logique d’une conduite maladroite et désordonnée.
Jean-Christian Petitfils

Le mercredi 25 novembre, M. de Lauzun fut arrêté prisonnier à Saint-Germain par M. de Rochefort, ses cassettes prises, et le lendemain conduit par M. d’Artagnan avec cent mousquetaires à Pignerol. J’appris cette nouvelle le jeudi matin chez M. Le Nain ; la cause en est inconnue.
Olivier Lefèvre d’Ormesson

Bien que de courte durée, cette mission donne une fois de plus l’occasion à d’Artagnan de prouver son humanité. 

Comme pour Fouquet, il rend le voyage de Lauzun vers Pignerol plus supportable, et s’acquitte de cette tâche en gardant à nouveau la reconnaissance de ses commanditaires tout autant que celle de son prisonnier.

De ce mauvais pas, comme du premier, d’Artagnan sut se tirer en habile homme à la satisfaction de tous, de Lauzun, de Mademoiselle éplorée et du roi lui-même. D’ailleurs, s’il avait été choisi cette fois encore, c’est bien certainement qu’on n’avait pas perdu le souvenir du tact avec lequel il avait su veiller sur son premier prisonnier, tout en méritant sa confiance et sa reconnaissance.
Charles Samaran

Plein de prévenance à l’égard de son prisonnier, comme il l’avait été avec Fouquet, d’Artagnan lui avait demandé chaque jour l’heure à laquelle il souhaitait partir et la durée du parcours qu’il voulait effectuer. Docile, Lauzun s’en était toujours remis à d’Artagnan pour en décider. Comme celui-ci s’inquiétait du bavardage continuel de ses compagnons, qui risquait d’importuner le prisonnier, ce dernier l’avait rassuré, lui disant que bien loin de l’incommoder ces conversations le réconfortaient…
Odile Bordaz

Ainsi, une fois de plus, d’Artagnan avait rempli loyalement la mission qu’on lui avait confiée, sans avoir omis d’y ajouter, comme toujours, la délicate touche d’humanité qui le caractérisait.
Jean-Christian Petitfils